BENJI dit « BEN »
?/ ?/199 ? – 18/02/2005
BEN avait reçu deux choses dans la vie : une gentillesse à toute épreuve et un cœur immense.
L’existence ne l’a pourtant pas gâté. Lui, un adorable petit chien a été maltraité et négligé. BEN, pourtant, aimait sans restrictions, sans rancune et sans juger.
Seules ses quatre dernières années furent plus douces, enfin, je l’espère. Il est bien sûr parti trop tôt, mais les mauvais traitements et la malnutrition ne lui ont pas permis d’affronter dans les meilleures conditions une vieillesse difficile.
Il y aura au moins quelqu’un, après, qui n’oubliera jamais cette bouille craquante qui a illuminé sa vie.
Usha
Notre histoireChapitre 1
LA NON-RENCONTRE
Quel adage doit-on croire : celui qui dit « que l’on choisit son chien » ou celui qui veut que c’est « votre chien vous choisit » ?
Il y en aurait bien un troisième tout aussi approprié, à savoir « que le hasard peut vous donner un chien auquel vous ne vous attendiez pas » !
Dans le cas qui nous occupe, il s’agit très exactement de cela !
*
5 décembre 2000
Après moult hésitations, mais tout en ayant bien réfléchi à la question, je franchis la porte du Refuge de La Croix Bleue à Forest.
Le choix est quasi impossible parmi tous ces chiens, si différents de par leur physique et leur comportement : il y a les miniatures – 1 kilo tout mouillé ? Et encore ! – et les géants – un berger briard faisant des bonds de près de deux mètres ; il y a les silencieux qui regardent du fond de la cage… et les autres.
Car, ce qui l’emporte bien évidemment, ce sont les appels à l’aide de ces laissés-pour-compte qui tentent par tous les moyens de retenir votre attention. Par un pur, et stupide, réflexe, je me dis qu’un chien qui ne s’égosillera pas ne risquera pas d’être trop bruyant dans l’appartement et c’est vers eux que je porte donc mon regard.
Le premier que je remarque doit faire moins de dix kilos, est brun doré avec de magnifiques yeux noirs et des poils mi-
longs. Je note donc le numéro de sa cage sur un papier et je continue à passer et repasser devant eux dont le corps entier est un appel pour qu’ils puissent sortir de cet anonymat.
Le second est un superbe labrador noir, affectueux au possible semble-t-il, et qui me rappelle le chien d’amis qui durant mon enfance n’a cessé de me faire des câlins.
Je suis donc fixée et je reviens à l’Accueil. Le labrador noir est tout de suite éliminé car c’est encore un bébé, environ six mois, qui doit donc encore grandir et que je ne peux envisager un instant de cloîtrer dans un appartement !
Il reste donc le « petit roux » - Benji - qui répond à mes critères : 1) il connaît les chats (puisque j’en ai déjà un) ; 2) il sait rester seul en appartement (puisque je travaille la journée ; et 3) il est bien élevé.
Comme il doit encore être tatoué, je prends rendez-vous pour le jour fixé et je repars donc après avoir versé un acomp-te.
Pour la première fois de ma vie, je m’apprête donc à accueillir un chien et j’effectue les premiers achats que j’estime nécessaires : nourriture, collier, panier, petits jouets…
12/12/2000
Les Formalités sont remplies, on va chercher mon chien et j’attends devant la porte pour voir arriver ce petit chien brun aux oreilles pendantes… et un monstre, poilu soit, déboule, informe, énorme à mes yeux, et me saute au cou.
Après un légitime recul, je me détourne de cette « cho-se » pour protester. « Ce n’est pas mon chien ! ». Je n’ai absolument pas le souvenir de l’avoir aperçu lors de ma « tournée ». Pourtant, sur la fiche, et selon notre première discussion, il s’agit bien de l’animal qui correspond à ma recherche ! Le « petit brun » s’appelle en fait Charlot n’est ni propre ni capable de rester seul, en fait… Et je suis toujours face à ce chien blanc et beige dont on ne voit vraiment que la truffe noire.
Mais, puisqu’il rencontre mes exigences, c’est quand même d’assez mauvaise humeur que je emmène ce « laid chien », sans
savoir encore qu’un ange vient d’entrer dans ma vie…
Chapitre 2
LES PREMIERS JOURS
On ne peut pas dire que d’avoir été adopté remplisse Benji de joie ! Bien sûr, avec sa sensibilité exacerbée de malheureux, il a déjà compris que je ne l’accueillais pas à bras ouverts !… C’est le moins que l’on puisse dire : je regrette le petit brun avec son magnifique regard…
Mais, je comprends de toute façon sa réaction : il a changé d’univers, de rythme de vie, et il a rencontré le chat Caramel qui lui non plus ne le ménage guère ; lui faisant clairement entendre que c’est lui le premier arrivé et qu’il est donc le maître des lieux !
Benji est donc dans son coin, observant tout, écrasé sur le sol… mais pas silencieux. Au moindre bruit : porte, téléphone, ascenseur, il fait preuve d’une voix grave et profonde, assez étonnante pour – finalement – son faible gabarit.
Dès la première visite de contrôle chez le vétérinaire S., je constate que, non seulement, je n’ai pas le chien aperçu dans sa cage – ça, je le savais quand même - mais qu’il est loin d’être en bonne santé comme pourtant mentionné dans son Carnet !
Ses yeux : ils sont blanchis par cette pellicule que l’on appelle la cataracte.
Son dos : son arrière-train s’abaisse et ses pattes sont arquées comme ce n’est pas permis.
Ses oreilles : de la gale – mais c’est normal vu la promiscuité du Refuge ; rien de bien grave.
Un mâle : j’ai l’intention de le faire castrer puisqu’il ne l’est pas… sauf qu’il n’y a rien sous la queue minuscule et que le vétérinaire S. ne détecte nulle ligature d’une éventuelle opération passée.
Dès lors, une constatation s’impose : soit il a été opéré, soit « elles » ne sont pas descendues – ce qui pourrait être plus que préjudiciable à sa santé future. Rendez-vous est donc pris pour une échographie en vue d’une opération possible si « elles » sont restées à l’intérieur.
J’alerte bien sûr la CCB qui me demande de passer lui montrer le chien plutôt que de m’envoyer son vétérinaire.
Je ramène donc Benji au Refuge, ce qui provoque chez lui une compréhensible réaction de tremblements violents que mes caresses et mes propos rassurants ne peuvent atténuer.
Benji retourne donc « derrière » et peu après, le vétérinaire essaye de me faire constater une dureté sous la queue, signe d’une ligature. L’inexpérimentée que je suis ne sens rien !
Mais, bon, comme finalement, on semble me dire qu’il a été opéré… je repars avec ce « truc » que je ne trouve toujours pas séduisant.
Premiers jours et premiers frais non négligeables aux-quels je n’étais absolument pas préparée. Je commence à regretter d’avoir pris « celui-là », mais je ne peux non plus envisager un seul instant de le ramener au Refuge !
Ecographie faite, Benji est donc déclaré être un mâle castré… qui supporte mal les trajets en voiture et en transports en commun
*
Benji n’est pas démonstratif – il se demande toujours ce qui lui arrive – et pour couronner le tout, il ne mange quasiment rien ! Pourtant, renseignements pris à l’Accueil, il y recevait des croquettes.
Mais, à moins que je ne lui les lui donne une par une, à la main, il ne touche pas à sa gamelle et, après une semaine, cela m’inquiète quand même sérieusement !
Le vétérinaire me fait alors remarquer qu’un chien est comme un enfant : il préférera du chocolat à ses légumes ! Je dois donc avoir juste avoir plus de volonté que lui !
Ce n’était que cela. Benji finit donc par trouver ses marques et s’alimente enfin un peu plus.
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Néophyte, je sors Benji plusieurs fois par jour, presque cinq sorties – et une dernière promenade vers 22h00 – afin de ne courir aucun risque.
Mais, je réduits rapidement ce nombre car je sais que je ne vais pas tarder à reprendre les intérims et qu’il devra alors s’habituer à n’être sorti que le matin et le soir.
Lui et moi semblons enfin nous accommoder l’un à l’autre.
Chapitre 3
COHABITATION DE VOISINAGE
De retour du boulot, un petit mot sur mon paillasson, de la part de ma voisine du rez-de-chaussée. Benji aboie toute la journée ! Et, vu la finesse des murs, la résonance de la cage d’escaliers, les deux jeunes gens qui étudient leurs examens d’université ne peuvent forcément se concentrer !
Retour encore une fois chez le vétérinaire – puisque contrairement aux affirmations – ce malheureux Benji ne peut rester seul et donc prescription d’un premier médicament.
Après un mois, il faut se rendre à l’évidence : Benji aboie toujours aussi désespérément.
Je l’apprends par mes voisins du dessus qui, pensionnés, et propriétaires également d’un chien, sont mieux à même de juger puisqu’au RDC, les parents sont absents toute la journée et – par observation – les enfants guère présents dans l’ap-partement…
Un autre anxiolytique est donc prescrit ; un premier et dernier, car il n’y a pas plus fort.
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Traumatisé par son passé, Benji a crié son angoisse, j'ai dû m'en accommoder, compter sur un voisin sympa et le défendre d'un autre qui voulait sa peau (alors que depuis je sais que ce voisin au nom à rallonge se considère comme le seigneur de la coprop et qu'il trouve aussi très normal que ses enfants organisent des fêtes jusqu'en milieu de nuit sans prévenir ni s'excuser par la suite... et que les deux chiens de sa voisine immédiate nous les brise maintenant depuis trois ans non stop - mais bon, plus facile de s'en prendre à une personne isolée et non encore au courant des "chouchous" de l'immeuble et du pouvoir réel de l'avocat dont on me menaçait).
Puisque le vétérinaire S. baisse les bras et dit ne plus rien pouvoir faire pour Benji, je consulte donc le vétérinaire V.H.
Plus psychologue, un peu comportementaliste, il me fourni de précieux conseils pour ajouter un « dérituel » à l’anxioly-tique dont, lui, il ne me refuse pas les renouvellements.
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Après un certain temps encore, le vétérinaire V.H. me laisse tomber lui aussi – il a compris que, contrairement à elle, je n’allais pas devenir une cliente prête à toutes les dépenses pour son animal – et une fois de plus, je ne peux envisager de ramener Benji au Refuge…
Je décide donc de consulter le vétérinaire L. qui, en province, s’occupe de la chatte de mes parents.
Lui aussi me conseille l’anxiolytique et, surtout, de persévérer.
Quelques temps encore et Benji devient enfin le petit chien sociable qu’il sera jusqu’au bout.
De plus, un médicament lui redresse presque miraculeusement les pattes arrières et sa queue s’allonge plus que sensiblement !
J’ai un beau chien.
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Au sortir du Salon de Toilettage, en automne, le « vieux » Benji est devenu un « jeune chien » d’une dizaine de kilos.
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A partir de septembre 2004, Ben a connu des ennuis de santé, les a multipliés, ce qui a conduit au tragique samedi 18 février 2005... Il s'est éteint à 11H40.
Mais cela, encore aujourd'hui je suis incapable de le raconter... Un jour peut-être...